Dans nos collectivités, nous sommes tous très attentifs à la question assurantielle, tant l’année 2023 a marqué une rupture. Les collectivités font face à une forte hausse des résiliations de contrats à l’initiative unique des assureurs. De même, les collectivités sont de plus en plus confrontées à la raréfaction des offres et à une hausse, parfois très forte, des primes d’assurances. Les conditions de garanties sont, quant à elles, particulièrement durcies et toutes les collectivités semblent concernées par ce nouveau phénomène.
C’est pourquoi j’ai été très intéressé et très attentif à la proposition de loi portée par Monsieur Husson au Sénat qui « visait à garantir une solution d’assurance à l’ensemble des collectivités territoriales ».
Cependant, c’est avec regret que j’ai constaté que ce texte ne constitue nullement une réponse à la crise de l’assurabilité que connaissent nos collectivités locales.
Cette proposition de loi, une nouvelle fois, s’inscrit davantage en réaction à un événement : les émeutes, consécutives à la mort de Nahel Merzouk, qui ont émaillé le pays entre le 27 juin et le 05 juillet 2023.
Ce texte vient désormais intégrer le risque des émeutes dans les contrats “dommages aux biens” par la création d’une nouvelle base de prime et donc par l’élargissement de l’assiette des cotisations. Or, ce risque, pour les collectivités ayant été touchées par ces émeutes, a déjà été intégré aux contrats existants par les assurances, et ce par avenant.
Il n’en reste pas moins que certains biens ne sont pas couverts pour la collectivité, et que les assurances ne les couvrent pas et les écartent par principe. C’est bien là la difficulté. La réalité aujourd’hui, c’est que les collectivités sont de plus en plus démunies face à la prise en charge des risques. Des pans entiers du patrimoine communal sont sans protection effective face au risque, comme les cimetières ou les stades. Les assureurs partent du principe que seule la responsabilité civile s’applique. Et, en cas de catastrophe naturelle, par exemple, les dépenses de restauration de ces biens publics ne sont pas éligibles au fond de solidarité de l’État. Les communes se retrouvent donc seules. Voilà le vrai sujet, que le texte n’aborde malheureusement pas.
Ce projet de loi ne garantit donc pas une couverture des risques pour les collectivités. In fine, on se rend compte que ce texte stimule la rentabilité pour les acteurs privés de l’assurance, au prix de charges supplémentaires sur les budgets locaux. C’est inacceptable.
À la tribune, lors de mon intervention générale, j’ai ainsi appelé mes collègues à la prudence face aux effets d’annonce : j’ai alerté sur le décalage manifeste entre l’ambition affichée du texte et ses effets concrets. En l’état, la garantie promise demeure largement illusoire : la couverture reste limitée, les charges sont transférées aux collectivités, et l’État se cantonne à un rôle de facilitateur de rentabilité pour les acteurs privés.
Ce texte est donc une bonne nouvelle pour les assureurs, mais pas pour les collectivités. Ces dernières ont besoin d’un véritable socle universel de couverture. Comme l’avait déjà rappelé mon prédécesseur à la commission des Finances Éric Bocquet, les assurances doivent revenir à leur cœur de métier, la couverture du risque !
Les moyens existent : d’après les données de la Banque de France, en décembre 2024, l’encours de placements financiers des assureurs s’établissait à 2 721 milliards d’euros. Ces assureurs, financeurs de la dette publique, ont également la garantie de recevoir des intérêts. Pour rappel, les charges d’intérêt de cette dette s’élèvent à 59 milliards d’euros : les assureurs reçoivent donc une partie de cette somme. Les assurances font donc un choix, celui de se désengager de la couverture de risques de rentabilité pour privilégier d’autres investissements, plus lucratifs. Je souhaite au contraire que cette somme revienne à la couverture du risque.
Avec mon groupe parlementaire, nous avons donc fait le choix d’une abstention vigilante sur ce texte. De plus, nous sommes donc engagés dans la rédaction d’une nouvelle proposition de loi visant à garantir une couverture d’assurance réellement effective pour les collectivités territoriales. Il nous faudra réfléchir collectivement à des modalités de contribution plus justes et plus solidaires. Nous avons besoin qu’une véritable solution publique émerge pour mettre fin à cette impasse.