C’est avec grand intérêt que j’ai participé à l’audition conjointe de Monsieur le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, au Sénat par la commission des affaires sociales et la commission des finances. Ce dernier est venu présenter le rapport de la Cour des comptes sur la situation du système de retraites et de ses perspectives à moyen et long terme. Ce rapport doit servir de base aux discussions entre les partenaires sociaux et le gouvernement dans l’objectif de « rétablir l’équilibre financier du système de retraite en 2030 ».
Le rapport de la Cour des comptes documente les répercussions économiques des principaux paramètres du système de retraite sur la compétitivité de l’économie et sur l’emploi.
Le choix a été fait, par la Cour des comptes, d’étudier en effet trois paramètres qui ont un effet direct sur l’équilibre du système de retraite : le taux de cotisation, l’âge effectif de départ à la retraite et, enfin, l’indexation des pensions. Il existe bien sûr d’autres paramètres qui ne sont pas évoqués dans ce rapport, car ils ne relevaient pas de la lettre de mission adressée à la cour des comptes.
La cour des comptes indique que la compétitivité de la France s’est dégradée depuis les années 2000, conséquence de la désindustrialisation.
Le financement du système de retraite est l’un des facteurs qui peut avoir un impact sur la compétitivité, mais, selon Pierre Moscovici, il est loin d’être le seul.
Les autres prélèvements, le coût de l’énergie, les taux de change ou, pour rester dans l’actualité, les droits de douane doivent évidemment être pris en compte lorsque l’on analyse la compétitivité globale.
Cependant, focalisé sur la question du système des retraites, ce rapport met en avant trois impératifs selon Pierre Moscovici :
- La nécessaire préservation et l’amélioration de l’équité intragénérationnelle et intergénérationnelle du système de retraite : le rapport a analysé les effets d’une augmentation du taux d’emploi sur le financement du système de retraite car les études montrent qu’une augmentation du taux d’emploi améliorerait le financement du système de retraite, grâce à la hausse de la base de cotisations.
Pour information plus précise, le rapport note qu’en moyenne, en 2023, 1,6 million de personnes sur les 8,5 millions de personnes âgées de 55 à 64 ans, soit une personne sur cinq dans cette tranche d’âge, n’était ni en emploi ni à la retraite. Pour la Cour des comptes, il faut que le recul de l’âge moyen de départ à la retraite favorise le maintien en activité, ou le retour à l’emploi, de manière équitable, en tenant compte des difficultés concrètes auxquelles sont confrontés certains seniors. Il estime que le gain net à long terme serait de 7 milliards d’euros ;
- Le renforcement de la compétitivité de l’économie, dans un contexte de décrochage européen ;
- La nécessité d’améliorer le taux d’emploi en France et en particulier pour les hommes de plus de 55 ans, dont la part en emploi est très faible comparée aux pays voisins.
Enfin, ce rapport s’attarde sur les leviers utilisés par les voisins européens, afin de s’en inspirer pour d’éventuelles réformes à mettre en œuvre. Néanmoins, la Cour des comptes alerte sur ces différents leviers, qui peuvent cependant avoir un effet différencié sur la compétitivité et l’emploi.
Monsieur Pierre Moscovici précise ainsi :
- Une hausse des cotisations aurait un impact négatif sur l’emploi et la compétitivité selon les modèles économiques, mais son ampleur pourrait varier, selon que l’augmentation concerne les cotisations employeurs ou salariales, et qu’elle cible ou non les bas-salaires ;
- À l’inverse, reculer l’âge effectif de départ à la retraite, que ce soit par une augmentation de la durée d’assurance ou par un recul de l’âge d’ouverture des droits, aurait un impact positif sur le taux d’emploi moyen, comme évoqué plus haut ;
- Enfin, le rapport questionne l’indexation automatique des pensions sur l’inflation. Il pointe qu’en cas de choc économique inflationniste, cette règle d’indexation automatique peut conduire à augmenter les pensions de retraites plus rapidement que les salaires. Le rapport préconise dès lors une moindre indexation des pensions par rapport à l’inflation.
Ces alertes et conclusions ne sont donc pas neutres, notamment sur le niveau de vie des retraités concernés. Ceci d’autant plus concernant l’âge de départ à la retraite : il existe déjà des disparités importantes entre catégories socio-professionnelles.
Répondre à ces questions est un véritable enjeu : les conclusions de la Cour des Comptes vont dans une direction qui dégraderont sensiblement les conditions de vie des retraités issus de catégories populaires, aux retraites modestes.
Monsieur Pierre Moscovici a enfin expliqué que la Cour des Comptes souhaite préserver l’équité du système de retraite et renforcer la compétitivité de l’économie française.
Notons pour terminer que Monsieur Pierre Moscovici confirme dans son audition que le problème du financement des retraites ne se réglera pas par le passage à un système par capitalisation : « la capitalisation, si elle peut être développée avec précaution, ne saurait être qu’un étage complémentaire ». Il indique aussi que le « système par répartition a des bases solides », mais s’interroge sur sa soutenabilité et son financement à venir ; d’où les propositions énoncées par la Cour des comptes.
Pour les Sénateurs Communistes Républicains Citoyens et Écologistes, mon collègue Pascal Savoldelli a rappelé que le modèle social français était et reste fondé sur l’égalité plutôt que sur l’équité. Il a également soulevé la question de la répartition des efforts concernant le financement de notre système de retraite : quelle doit être la ligne de partage entre les efforts demandés à ceux qui travaillent et ceux qui proviennent des revenus du capital ? En somme : une révolution des recettes publiques, plutôt qu’une révolution de la dépense, serait la bienvenue.
