Mon regard sur le pré-rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales
Le pré rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publiques locales vient de paraître. La fragilisation financière des territoires est toujours à l’œuvre. Ce qui ressort de ce rapport pour l’année 2023, c’est surtout un écart qui se creuse entre la situation financière des communes, des régions et des départements. Qu’en est-il pour nos villes et nos villages ?
Je vous propose ici en quelques mots mon regard sur ce rapport.
I. L’impact de l’inflation confirmé pour toutes les collectivités locales en 2023
En 2023, les dépenses de fonctionnement des collectivités locales ont augmenté de + 5,8 %. Ce sont les EPCI qui sont les plus touchés, avec une augmentation à hauteur de +7,7 % quand les communes atteignent une évolution en moyenne de + 4,9 %. Au chapitre 12 de nos maquettes budgétaires, la masse salariale subit une évolution sensible : en moyenne, les frais de personnel représentent 37 % des dépenses de fonctionnement avec une évolution à + 4,7 % entre 2022 et 2023, sachant que le rapport précise que l’évolution en 2022 se situait à + 5,1%. Cette augmentation semble donc limitée mais nous pouvons craindre un effet évolutif plus important en 2024, au regard du coût des mesures gouvernementales (point d’indice).
Ce sont toutefois les achats et charges externes qui ont nettement progressé : + 9,6% en 2023, ce que nous observons tous dans nos communes. L’évolution des dépenses en matière d’énergie et d’électricité est forte avec une évolution constatée à + 29,3 %, malgré le bouclier tarifaire et l’amortisseur électricité de l’Etat. Les charges financières, dans le contexte des hausses des taux d’intérêt, ont contribué aussi à une évolution forte des dépenses de fonctionnement, puisqu’en moyenne, elles ont augmenté de +29,4 % en 2023 alors que les collectivités profitaient financièrement de la baisse depuis quelques années.
En 2023, le taux d’épargne brute, qui rapporte l’épargne brute aux recettes de fonctionnement est en retrait pour toutes les collectivités, excepté – à priori – pour les communes, où il atteint + 15,6 % en moyenne, en évolution positive par rapport à 2022.
On pourrait ainsi conclure que le sort des communes est largement plus favorable que les autres collectivités en cette année 2023, contrairement aux départements, qui perdent une part importante de leur épargne et dont les dépenses s’avèrent supérieures aux recettes.
Cela est vrai, mais c’est faire fi, tout de même, de disparités locales très importantes liées aux diverses strates de collectivités, comme le montre le résultat d’épargne brute et nette en 2022 et 2023 (page 24 du rapport) :
On observe in fine que cette évolution est particulièrement vraie pour les communes ayant + 10 000 habitants que pour les communes de strate moins importante ayant une évolution plus mesurée.
II. L’écart se creuse entre les communes, les départements et les régions : les communes sont épargnées, les régions et les départements en alerte.
En tenant compte des flux nets de dette, soit la différence entre les emprunts et les remboursements de dette, la variation du fonds de roulement de l’ensemble des collectivités devient négative (-2,7 Md€) pour la première depuis 2019, année pour laquelle, cet agrégat est toutefois moins sensiblement négatif (- 0,6 Md€). De plus, l’augmentation du stock de dette, et la baisse d’épargne des collectivités engendre une hausse du délai de désendettement.
Ces deux tendances sonnent telle une alerte sur les capacités financières des collectivités : la trésorerie des collectivités s’affaiblit, les recettes augmentent moins vite que les dépenses et les collectivités empruntent pour faire face à leurs investissements. Les collectivités s’endettent davantage, sans perspective positive d’un remboursement rapide.
Mais cette alerte ne concerne pas, à ce jour, la majorité des communes. En effet, en 2023, la dette des communes de toutes les strates de moins de 5 000 habitants est en baisse et leur épargne brute augmente. Aussi, cela engendre un délai de désendettement qui s’améliore, au contraire des autres collectivités. Le délai de désendettement se raccourcit, plus particulièrement pour les collectivités de + 20 000 habitants.
Voici ci-dessous l’évolution du délai de désendettement des collectivités, telle que présentée dans le rapport :
L’écart commence toutefois à se creuser entre les petites communes et les plus grandes, les communes de – 20 000 habitants étant plus impactées par le contexte financier difficile que les autres. Ce qui peut augurer d’une autre fracture en 2024, cette fois entre les collectivités de petite taille et les autres.
Notons ici également que l’encours de dette est très contrasté pour les communes : plus d’une commune sur dix n’a pas d’encours de dette. En 2023, 12% des communes n’ont aucune dette et n’ont pas recours à l’endettement et ce pourcentage est assez stable depuis 2017, même s’il progresse légèrement pour les communes de moins de 3 500 habitants. Le niveau de la dette s’accroit avec la population des communes, ce qui semble une évidence. Ce qui est cependant intéressant, c’est de constater que plus une ville se situe en « centralité », plus le recours à l’emprunt est important, et ce pour un même niveau de population.
III. Des investissements en hausse pour les communes, à nuancer au regard de l’inflation des prix
Les dépenses d’investissement ont, quant à elles, augmenté en 2023 de +9,4 % après +10,7 % en 2022. Cependant, cette évolution doit impérativement tenir compte des coûts inflationnistes, et il ne s’agit sans doute pas d’une croissance dans la mise en œuvre de projets. Cette évolution est à prendre avec beaucoup de prudence et semble difficilement comparable aux anciens cycles électoraux qui mettaient en exergue une hausse des investissements uniquement en année N+3, N+4 et N+5 en tenant compte d’une année N en référence aux élections municipales. Ici, dès l’année N+1 on observe une importante hausse des investissements, sans doute, comme énoncé, à mettre en lien avec l’inflation. Il est donc difficile aujourd’hui d’analyser les chiffres liés à l’investissement pour les communes.
En conclusion, l’alerte est forte concernant la situation budgétaire des départements et des régions en cette année 2023. Elle n’est pas perceptible aujourd’hui concernant les communes. Néanmoins, quelques données laissent présager une fracture possible, dès 2024, entre les communes de petites strates et les communes les plus importantes. De quoi s’inquiéter pour l’avenir et pour la construction du budget 2025 de nos collectivités.
Le lien vers le rapport complet :