On ne sait toujours pas à quelle sauce les collectivités vont être mangées cette année puisque le gouvernement n’a toujours pas déposé de budget. Par contre, on peut en avoir une petite idée.
En effet, s’il ne suit pas toujours les recommandations de la Cour des comptes, souvenez-vous, l’année dernière, le gouvernement avait pris en considération quelques mesures proposées par celle-ci, de manière toutefois parcellaire sans tenir compte de la globalité des perspectives qui s’imbriquaient pourtant les unes aux autres. Le 30 septembre dernier, le rapport de la cour des comptes a publié son second fascicule pour 2025, intitulé : « Les perspectives financières et la contribution des collectivités au redressement des finances publiques en 2025 ». Ce rapport analyse donc les perspectives financières et la contribution des collectivités au redressement des finances publiques et énonce un certain nombre de constats et de propositions. Il y a fort à parier que le gouvernement tiendra compte de certaines de ces recommandations.
Retour ici sur quelques mesures phares de l’année 2025 passées à la loupe de la Cour des comptes pour le budget 2026.
1/ La hausse du taux de cotisation à la CNRACL : quelle soutenabilité pour les collectivités ?
Depuis 2025, les employeurs territoriaux assument l’évolution du taux de cotisations pour « assurer l’équilibre du régime de retraite » sans compensation de la part de l’Etat. Comme nous l’avions déjà précisé, c’est une lourde charge pour les collectivités, prévue en 2025, 2026 et 2027 dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale de 2025. La loi a prévu in fine de l’étaler sur une année complémentaire, soit jusqu’en 2028. La Cour des comptes précise dès lors qu’entre 2024 et 2028, le taux de cotisation CNRACL augmentera ainsi de plus de 40 %. Mais ce qu’elle nous apprend aussi c’est que le retour à l’équilibre, prévu en 2028, sera malheureusement de courte durée : « Dès 2029, la caisse connaîtrait de nouveau un déséquilibre financier, estimé à 1,1 Md€ pour cette même année, puis à 1,7 Md€ en 2030. Une nouvelle hausse des cotisations à la charge des employeurs territoriaux et hospitaliers serait alors nécessaire afin de l’enrayer ».
Une nouvelle hausse ?! : ceci paraît difficilement soutenable pour les collectivités locales !
2/ La TVA : un mécanisme à surveiller de près
Comme prévu dans la loi de finances, les fractions de taxe sur la valeur ajoutée allouées en 2025 aux collectivités territoriales ont été gelées à leur niveau de 2024. Par ce mécanisme, l’Etat espérait réaliser des économies, objectif initial confirmé par la Cour des comptes. Cette dernière précise dans son rapport : « Selon l’évaluation préalable annexée au projet de loi de finances initiale pour 2025, le gel de la TVA affectée aux collectivités devait faire bénéficier l’État d’un milliard d’euros de recettes supplémentaires de TVA en 2025. La direction du budget a actualisé cette estimation à 1 240 M€ à la suite de la promulgation de la loi de finances ». Ceci apparaît toutefois désormais beaucoup moins sûr. Rappelons ici également que la loi de finances 2025 a aussi modifié l’année de référence du versement : pour les EPCI les recettes de TVA sont affectées désormais à partir des données N-1.
Or, selon la Cour des comptes, les recettes de TVA baissent depuis le début de l’année 2025. A ce rythme, le mécanisme de gel pour 2025 sur le montant 2024 sera dès lors peut-être bénéfique pour les collectivités : en gelant la dynamique et en maintenant les fractions à leur niveau de 2024 en 2025, le gouvernement pourrait avoir rendu service aux collectivités concernées en ayant sauvegardé un niveau supérieur au réel de TVA encaissé (les recettes auraient dû être soumises à la dynamique de baisse de la TVA si la référence n’avait pas été modifiée en 2025…). C’est en ce sens que la Cour des comptes alerte : « Or, au cours du premier semestre 2025, les recettes de TVA ont diminué de 1,1 %. Si elles baissaient ou même stagnaient sur l’ensemble de l’année, les collectivités ne contribueraient pas au redressement des finances publiques à travers le gel des fractions de TVA qui leur sont affectées. La stabilité de leurs recettes de TVA par rapport à leur niveau de 2024 aurait au contraire pour effet de les préserver ». A l’inverse donc de l’ambition initiale du gouvernement. Par ailleurs, les premières mesures esquissées en juillet par le gouvernement Bayrou pour accentuer la pression sur les collectivités (notamment avec un écrêtement de la dynamique de TVA versée en 2026 à la seule inflation) pourraient avoir un effet inverse à l’objet recherché.
Une annonce de retour en arrière sur ce sujet n’est donc pas de bonne augure pour les collectivités…
3/ Un risque non négligeable d’une baisse des dotations de l’Etat
Le PLF 2025 marque une diminution inédite du montant consacré aux « variables d’ajustement ». Cette mesure avait été préconisée, sur son principe, par la Cour des comptes afin « d’atténuer le dynamisme des concours financiers de l’État en général et celui des prélèvements sur recettes en particulier ». La Cour des comptes constate cependant que ces variables d’ajustement ont davantage touché les collectivités régionales et départementales (à un niveau même plus élevé qu’en 2024 pour les départements), alors que ces collectivités connaissent d’importantes difficultés financières. De ce fait, la Cour des comptes recommande d’élargir, dans le prochain projet loi de finances 2026, le périmètre des variables d’ajustement. Par ailleurs, elle souligne que « l’élargissement du périmètre des variables serait de nature à assurer une contribution plus équilibrée des différentes catégories de collectivités au respect de la norme d’évolution des concours de l’État ».
On peut donc s’attendre à ce qu’un mécanisme soit trouvé pour faire contribuer davantage les communes à la résorption du déficit de l’Etat….
4/Le DILICO sur la sellette
Selon l’article 186 de la loi de finances initiale pour 2025, le produit de la contribution est reversé, les trois années suivant sa mise en réserve, à hauteur d’un tiers par année, mais dans la limite du montant du produit de la contribution pour l’année en cours. Or, la Cour des comptes fait le constat que si ce dispositif est poursuivi en 2026, il risque de se confronter à une durée réalité. Selon ces derniers : « Un phénomène de « cavalerie » se manifesterait cependant : à compter de 2028, le prélèvement deviendrait identique au reversement et le Dilico n’aurait donc plus d’effet sur les recettes des collectivités, le montant des restitutions étant alors identique à celui des prélèvements ». La conclusion de la Cour des comptes ne se fait pas attendre : il s’agit soit d’augmenter le montant du prélèvement chaque année, pour contraindre davantage les collectivités (en agissant ainsi sur leurs charges de fonctionnement) – mais là encore on se heurte à une contrainte énoncée par la Cour des comptes : « Le montant du DILICO ne saurait cependant croître indéfiniment ». Soit, il s’agit de passer par une extinction de ce dispositif, qui engendrerait dès lors « à droit constant une perte de recettes pour les collectivités. Le budget de l’État bénéficierait quant à lui d’un gain si des dispositions législatives prévoyaient la réaffectation en sa faveur des recettes non restituées aux collectivités ».
Les collectivités avaient en effet bien imaginé qu’elles auraient du mal à revoir leur produit versé.
Face à ces projections, la Cour des comptes préconise une participation au redressement des finances publiques des collectivités qui « s’organise dans la durée » et fait les propositions suivantes :
- Fixer une trajectoire financière pluriannuelle des collectivités
- Moduler l’évolution globale des transferts financiers de l’État aux collectivités
- Concilier la contribution au redressement des finances publiques avec d’autres impératifs
- Rendre plus équitable la répartition de la contribution au redressement des finances publiques et, plus généralement, celle des ressources entre collectivités
- Une contribution des collectivités au redressement des finances publiques qui doit mieux tenir compte de leurs situations respectives
- Améliorer l’efficacité de la péréquation des ressources financières entre les collectivités
- Répartir les ressources entre collectivités en fonction de données contemporaines
On attend donc avec impatience le budget 2026 du gouvernement dans la suite de ce rapport de la Cour des comptes, particulièrement instructif….
Pour le consulter, voici le lien : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-finances-publiques-locales-2025-fascicule-2