Ce titre est emprunté, comme d’aucuns l’auront remarqué, à la table ronde à laquelle j’ai participé à la 16ème université des Maires du Val d’Oise qui a eu lieu en mai dernier. Je souhaitais revenir sur ce thème pour vous livrer plus directement mon regard sur les mesures de simplification administrative envisagées par le gouvernement pour répondre à cette interrogation forte : « Lourdeurs administratives, les maires dans tout cela ? ».
Une initiative gouvernementale récente : le Roquelaure de la simplification
La complexité administrative freine les initiatives locales, c’est sur ce postulat de départ que Monsieur François Rebsamen, Ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, a lancé le 28 avril 2025 le « Roquelaure de la simplification de l’action des collectivités ».
Cet événement vise à faire émerger des solutions concrètes, portées par et pour les acteurs locaux, afin de construire une action publique locale plus efficace. 12 mesures de simplification des collectivités sont proposées :
Le gouvernement a recensé 4 416 normes (lois, règlements) « imposées » aux collectivités entre 2009 et 2023, qui auraient coûté 14,6 milliards d’euros.
Un certain nombre des mesures proposées nécessitent des modifications législatives. Le gouvernement s’est, lui, engagé à agir sur ce qui pouvait être simplifié par voie réglementaire, quitte « à forcer les ministères » a expliqué Monsieur François Rebsamen.
Le gouvernement oppose contrôle et efficacité
A la lecture des propositions de Monsieur François Rebsamen, je souhaitais vous livrer ici quelques réactions. Notons tout d’abord à travers cette présentation du gouvernement que l’Etat s’attaque d’emblée aux outils de contrôle des actes posées en matière de ressources humaines dans les collectivités. Ceci apparaît comme un non-sens. Il propose diverses mesures d’allégement pour simplifier par exemple la gestion des ressources humaines. Le contrôle de légalité serait recentré sur des actes à forts enjeux en ciblant les recrutements sur les emplois fonctionnels, les emplois de collaborateurs de cabinets, le Rifseep (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel) ou encore les rapports obligatoires comme le rapport social unique ou encore celui sur les risques professionnels devraient être fondus en un document unique.
En pratique dans les collectivités, ce n’est pas le contrôle de légalité ou la rédaction de rapport(s) annuel(s) sur l’activité des services qui pose une difficulté. Au contraire, ce sont des outils utiles qui garantissent pour l’un la régularité des actes et pour l’autre un regard sur la vie en collectivité, soit qui activent la question de l’efficacité dans nos collectivités. Ceci d’autant plus que la dématérialisation accompagnée de logiciels adaptés garantissent une fluidité et une simplification du travail effectué. A contrario, ce qui est contrariant et qui complexifie le quotidien, c’est la difficulté de recrutement d’agents sur les fonctions supports, qui sont très spécifiques et qui demandent une importante technicité. Ces absences ou manques occasionnent une charge de travail plus conséquente pour les agents présents et engendrent, inévitablement, des « ratés administratifs » qui apparaissent pour le commun comme des « lenteurs administratives inadmissibles ». In fine, c’est la question des moyens et non des outils de contrôle des actes à laquelle il faut s’attaquer dans nos services publics et plus spécifiquement au sein des collectivités territoriales.
Les collectivités n’ont pas besoin de « petites mesures catalogue » mais de mesures structurantes
Agir sur l’attractivité des métiers en collectivité : il est donc fondamental d’en finir avec les « petites mesures catalogue » si chères au gouvernement et de proposer des mesures structurantes qui s’emboîtent les unes aux autres. L’une des premières mesures serait celle d’agir sur l’attractivité des collectivités et en finir avec ce discours méprisant sur les agents de la fonction publique territoriale (« qui ne travaillent pas assez », ritournelle habituelle du gouvernement).
Garantir la cohérence du service public : nous pouvons prendre l’exemple de la police municipale puisqu’il s’agit là d’un vrai débat. A l’heure où l’humain manque cruellement dans nos quartiers, dans nos villes ou dans nos villages, il faut se battre, comme nous l’avons indiqué plus haut, pour renforcer les moyens afin d’assurer le service public. Le service public dans son ensemble et sa globalité. Il faut se battre pour des moyens dédiés à la police nationale ou encore à la gendarmerie. Car ce n’est pas le rôle des communes d’assurer la mission de sécurité de l’Etat. Néanmoins, et de manière transitoire, des décisions peuvent faciliter le quotidien des agents. Par exemple, actuellement, les policiers municipaux ne peuvent accéder aux fichiers des véhicules volés ni à celui des personnes recherchées. Ils ne peuvent pas non plus faire de contrôle d’identité, seulement en cas d’infraction. Modifier la loi à ce sujet serait une avancée pour nos territoires pour gagner en efficacité des interventions sur nos communes.
Simplifier la gestion et l’élaboration des projets : ce qui complexifie la vie des collectivités, comme je le disais précédemment, ce n’est pas la question du contrôle. Les lourdeurs administratives se retrouvent par exemple davantage dans la gestion des projets d’investissements et de la preuve qu’il faut apporter aux dépenses engagées. Toute dépense nécessite pour le service public la production d’au moins deux devis (sauf urgence), ce qui garantit la justification du moindre euro public engagé, ce qui bien entendu est une bonne chose. Face à cette exigence, les services doivent rencontrer à minima deux entreprises pour faire jouer la concurrence. Malheureusement, les entreprises, parfois exaspérées par ces demandes intempestives, peinent à répondre aux sollicitations des services.
Au-delà d’un certain seuil de dépense, nous entrons dans le cadre de procédures plus élaborées de marché public. De nombreux décrets s’évertuent à simplifier l’accès des entreprises aux marchés publics. Si l’organisation initiale était honorable, les quelques années de fonctionnement nous amènent à demander révision de la copie. Il paraît en effet évident que la procédure de commande publique sécurise la procédure d’achat, néanmoins, force est de constater que les prix sont souvent très élevés pour les collectivités, avec un surcoût constaté lié clairement aux pratiques anti-concurrentielles des entreprises et que les délais sont souvent décalés par rapport aux urgences des collectivités. C’est un vaste sujet sur lequel il nous faut avancer pour davantage d’efficacité.
De même, depuis des années nous attendons une plateforme départementale de dépôt de dossiers pour les subventions sollicitées par les communes : force est de constater aujourd’hui que les projets élaborés par les communes font l’objet d’autant de dossiers de demandes de financements que de partenaires financiers. Lorsqu’un partenaire émet une demande, il n’est pas rare que les autres partenaires en fassent de même ; ce qui multiplie les échanges d’informations et les délais d’instruction (sans compter sur le fait que les calendriers d’instruction sont différents d’une collectivité à une autre). Avant d’être validée par les partenaires financiers, la demande de subvention souffre donc d’aléas multiples. Un guichet départemental (en partenariat avec l’ensemble des partenaires financiers : conseil départemental, conseil régional, services Etat (dotations, prestations…) afin d’assurer le suivi de toutes ces demandes serait donc le bienvenu.
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Dans la suite de ces mesures annoncées, une circulaire datée du 28 mai a été adressée à chaque préfet de région et de département afin que ces derniers remontent au gouvernement leurs propositions de simplification du fonctionnement des collectivités, et ce avant le 15 juillet 2025.
C’est donc dans cette suite que je communiquerai volontiers au Préfet les propositions faites ci-dessus et que je demanderai à ce que soit communiquées aux collectivités les propositions faites par le Préfet de Région et du Département concernant les collectivités territoriales.