Le gouvernement s’est engagé à réaliser 40 milliards d’euros de baisse de dépenses publiques dans la préparation du projet de loi de finances 2026 pour redresser les comptes publics. Alors que la Ministre Amélie de Montchalin a annoncé le 27 avril la suppression ou la fusion d’un tiers des agences et des opérateurs de l’Etat pour une économie autour des 2 à 3 milliards d’euros, ce sont désormais les dépenses des collectivités qui sont sur la sellette.
I. Une conférence financière des territoires le 6 mai dernier avec un seul objectif : définir les modalités des contributions des collectivités au redressement des finances publiques
Sous l’égide du Premier Ministre François Bayrou, à huis clos et pendant deux heures, une conférence financière des territoires s’est tenue, le 6 mai, en présence des représentants des collectivités locales et de certains ministres.
La réunion s’est organisée en deux temps : une présentation de l’état des lieux des finances des collectivités sur la période 2019-2024 et un échange du gouvernement avec les participants autour de « l’effort nécessaire de l’ensemble des administrations publiques, dont les collectivités, pour assurer le respect de nos engagements budgétaires européens ».
Tout d’abord, je vous invite à retrouver la présentation qui a été exposée lors de cette rencontre (à laquelle seuls quelques sénateurs étaient conviés, ce qui n’était pas mon cas). Elle est accessible en ligne à l’adresse suivante :
https://www.ecologie.gouv.fr/presse/conference-financiere-territoires-0
Les titres, évocateurs, des slides de cette présentation laissent présager le pire pour nos collectivités : « Nous dépensons trop par rapport à nos recettes », « Le poids de notre endettement est massif », ou encore « Focus recettes : la dynamique des recettes des collectivités a été préservée, mais leur pilotabilité a diminué » et « Focus dépenses : des dépenses d’investissement en forte croissance, sous l’effet d’un effort d’équipement soutenu par l’Etat depuis 2021 ».
Cette présentation confirme tout d’abord l’ambition du gouvernement de s’attaquer au service public, dans la suite des annonces d’Amélie de Montchalin : « Toutes les sphères de l’administration publique doivent nécessairement contribuer : Etat, Sécurité sociale, collectivités, opérateurs », sans exception avec un effort de 110 millions d’ici 2029, soit près de 40 millions par an pour nos services publics.

Ensuite cette présentation revient sur un certain nombre de ritournelles si chères au gouvernement concernant les collectivités : le poids de la dette est trop important, les recettes élevées, leurs dépenses bien trop élevées par rapport aux recettes, et surtout les dépenses de personnel sont insupportables pour tous. Ainsi alors que le gouvernement présente un focus sur les dépenses de personnel et qu’il fait état de la forte hausse des dépenses de personnel « toutes en croissance depuis 2022 », il omet de souligner que l’évolution à la hausse des dépenses de personnel dans les collectivités est en partie le fruit des exigences imposées par l’Etat lui-même aux collectivités, notamment depuis deux ans – tout en demandant à celles-ci de les diminuer : hausse du point d’indice et nouvelles mesures catégorielles, nouvelles normes, nouvelles charges : AESH, service public de la petite enfance… et maintenant évolution des charges patronales.
Ce diagnostic a donc un certain goût d’inachevé.
II. Une situation financière jugée confortable pour les communes, notamment celles de moins de 3 500 habitants : le discours redondant du gouvernement
La suite de l’exposé relatif aux diverses strates des collectivités vient mettre également en exergue une situation jugée « confortable » par le gouvernement pour les communes, notamment celles de moins de 3 500 habitants.
C’est ainsi que le gouvernement note que l’épargne brute et l’épargne nette du bloc communal sont en léger retrait en 2024, mais restent historiquement à un niveau élevé : 60% des communes ont un taux d’épargne >15 %, « seuil jugé confortable ».
Des disparités territoriales sont toutefois affichées et c’est ainsi qu’il est mis en évidence que les plus petites communes (moins de 3 500 habitants, soit 9 communes sur 10) témoignent d’une situation plus favorable : hausse de l’épargne brute de +15 % par rapport à 2019, mais 29 % d’entre elles présentent tout de même une dégradation de l’épargne de plus de 20 %.
Notons dans cette présentation que les EPCI (Etablissements publics de coopération intercommunale – nos agglomérations donc) connaissent une situation favorable, ainsi qu’une forte progression des recettes (+4,4 %) comme des dépenses (+5 %).
Par ailleurs, le gouvernement confirme dans cette présentation la situation financière de plus en plus dégradée des collectivités départementales et la fragilité des collectivités régionales.
Ce sont sur ces bases que des leviers d’économie « d’un redressement pérenne » sont ensuite proposés.
III. Les efforts envisagés pour les collectivités locales
Reconnaissons toutefois l’effort du gouvernement exposé en préalable : celui de confirmer la nécessité pour les collectivités d’avoir une visibilité pluriannuelle du soutien aux collectivités par l’Etat lui-même. Une trajectoire pluriannuelle de la Dotation Globale de Fonctionnement est même évoquée, tout comme celle des bases de la fiscalité. L’accroissement de la péréquation est avancé, sans cependant y apporter des précisions, ce qui est ici bien dommage. Aucune référence dans ce document à toutes les annonces médiatisées de nouvelle taxe locale pour les habitants en faveur des collectivités.
Les seuls leviers relatifs aux dépenses brièvement soulevés sont ceux qui apparaissent dans le tableau ci-dessous.
Ils viennent clore la présentation de cette conférence financière des collectivités :

Les « leviers à la main des collectivités » annoncés ici par l’Etat pour la construction du PLF 2026 afin de réaliser des économies laissent littéralement perplexes.
Quelle est leur source d’économie ? Alors que le montant de 8 milliards d’euros d’économies pour les collectivités a été évoqué dans la presse sans que cette information ne soit infirmée ni confirmée par le gouvernement, il est difficile d’imaginer que seuls ces leviers puissent avoir un impact de cette nature sur les finances publiques locales.
Je m’interroge en effet : quelle est la commune aujourd’hui en France qui n’aurait pas réalisé de mutualisation de service, de maitrise de sa masse salariale à travers la gestion des départs en retraite ?
Cette conférence financière des territoires, installée sous le prisme d’un dialogue avec les collectivités, semble souffrir d’une déconnexion totale avec les réalités locales.
IV. Et la suite ?
C’est ainsi que s’est achevée cette conférence financière des territoires. Une deuxième conférence financière des territoires est prévue en juillet 2025 « afin de tirer les enseignements de ces travaux et de partager les orientations dans la perspective du projet de loi de finances pour 2026 ».
Avant cela, le gouvernement précise que des groupes de travail vont se réunir autour de plusieurs thématiques :
- Les modalités de contribution des collectivités à l’effort pluriannuel de redressement des finances publiques (dont un retour d’expérience sur la LFI 2025)
- La situation particulière des départements (en lien avec le Comité des financeurs)
- La fonction publique territoriale : effectifs, masse salariale, statut, etc.
- La péréquation
L’association des Maires de France a publié un communiqué de presse suite à sa participation à cette conférence et demande par exemple une revue de tous les textes les plus coûteux pour les collectivités et un engagement à les supprimer ou encore à les réviser.
Elle demande aussi un moratoire sur toute nouvelle dépense contrainte s’appliquant aux collectivités ou encore un engagement de l’Etat sur la durée en matière de recettes locales pour que les collectivités ne découvrent pas chaque année mécanisme différent de prélèvement de dotation au détriment des collectivités, comme le DILICO cette année.
Autant de mesures qui nécessitent en effet un positionnement de l’Etat pour un dialogue constructif avec les représentants des collectivités locales.
Seule la gestion des communes ne peut être remise en cause dans cette recherche d’économie pour la réduction du déficit public : une analyse fine et partagée de la situation financière des collectivités doit être assurée.