Voyage en Italie pour la RATP

Ile de France Mobilité a annoncé le mardi 25 mars vouloir confier à Transdev et à l’opérateur milanais ATM deux lots de bus jusqu’ici exploités par la RATP. Retour sur cette vente à venir de notre service public de transports en Ile-de-France.

Les conséquences de l’ouverture à la concurrence

Depuis plusieurs années, la Présidente de la Région Ile-de-France, Madame Valérie Pécresse, fait de l’emploi en Ile-de-France son cheval de bataille. Dans les diverses conférences régionales, l’idée – honorable – est souvent celle de mettre en place des mesures d’urgences afin de « doper la croissance et l’emploi ». Parallèlement, comme le précise un article des échos daté déjà du 5 février 2020, l’ambition de la Présidente est celle d’accélérer, depuis, plusieurs années, la mise en concurrence des transports sur toute l’Ile-de-France.

A l’époque, « pas question de privatiser », comme elle pouvait l’indiquer : « Ile-de-France Mobilités, l’autorité publique organisatrice des transports, deviendrait le coordinateur des transports dans la région […]. Les lignes pourraient toujours être exploitées par la SNCF ou la RATP, mais elles seraient forcées d’améliorer leur offre pour être compétitives face à d’autres opérateurs, publics ou privés ».

Cependant, comme le disait un collègue de Madame Pécresse, soit Monsieur Jacques Chirac : « Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent ».

Nous sommes face aujourd’hui, soit 5 ans après cette déclaration, à une annonce qui devrait prochainement avoir lieu (le 10 avril 2025) pour acter l’exploitation de 18 lignes de bus par le groupe ATM, soit Azienda Trasporti Milanesi, détenu à 100% par la ville de Milan, en Italie.

Ces derniers ont remporté l’ouverture à la concurrence lancée par Madame Pécresse.

Ces bus italiens devraient entrer en fonction en France à compter dès l’été 2025 et devraient circuler sur les réseaux de Châtenay-Malabry, Châtillon, Clamart, Fontenay-aux-Roses, Issy-les-Moulineaux, Le Plessis-Robinson, Malakoff, Meudon et Vanves.

750 agents équivalents temps pleins de la RATP, qui travaillent actuellement sur ces secteurs, sont en attente de leur sort face à ce nouvel opérateur.

Qui est cet opérateur italien : Azienda Trasporti Milanesi ?

Azienda Trasporti Milanesi est une entreprise publique italienne fondée en 1931 qui cherche à pénétrer le marché français depuis plusieurs années. L’entreprise gère et exploite les bus et les métros de Milan, et est présente à Copenhague, au Danemark, et à Thessalonique, en Grèce. Elle emploie aujourd’hui près de 11.000 personnes.

Cette entreprise, Azienda Trasporti Milanesi fait, depuis cette annonce d’arrivée en Ile-de-France, la une des médias français. Elle est louée telle une « entreprise à fibre sociale » avec des mesures diverses au bénéfice des salariés : incitations financières pour rejoindre l’entreprise, fondation pour les familles et les retraités, préservation de la vie des salariés, etc. Si les médias français sont conquis par cette présentation, la presse italienne en fait un autre écho.

Quelles conséquences pour les usagers et pour les salariés ?

Dans altreconomia, c’est ainsi une autre histoire qui est racontée. Un article du 4 février 2025 met en exergue une baisse de 19% du transport de bus sur la ville de Milan (transports gérés par ATM) entre 2016 et 2024. Les fréquences de bus sont devenues moins nombreuses, et ce quelles que soient les heures de la journée (même pendant les heures de pointe). Il semble tout simplement qu’ATM n’arrive pas à recruter des chauffeurs de bus pour satisfaire le marché selon les conditions salariales posées. ATM répond à cette mise en cause par les éléments suivants : « Per il Comune e l’Azienda trasporti milanesi (Atm), il calo delle corse dei mezzi di superficie è imputabile alla carenza di autisti, fenomeno comune a tutta Europa, ma che in una città come Milano risulta accentuato da un maggior divario tra salari bassi e costo della vita elevato » . Ce qui signifie (à peu près) : « Pour la commune de l’agence de transport milanaise (ATM), la baisse du transport des bus est imputable à la pénurie de chauffeurs, commune à toute l’Europe, mais dans une ville comme Milan, cela résulte aussi d’un écart de plus en plus important entre les bas salaires et le coût de la vie élevé ».

Qu’en sera-t-il en France où la situation économique est tout aussi complexe ? A quoi doit-on s’attendre pour les salariés ?

D’autres articles récents évoquent la même difficulté : il y a pénurie de chauffeurs car les salaires sont trop bas. La presse italienne sanctionne, de son côté, le gouvernement, estimant qu’ATM doit obtenir davantage de fonds pour fonctionner et payer à leur juste valeur les salariés.  

A l’heure où 750 agents RATP attendent d’être fixés sur leur sort et devraient être repris par ATM dans le cadre de ce marché, je tiens à redire ici mon inquiétude face à une telle ouverture à la concurrence. Quels sont les gages de la Région Ile-de-France face à l’arrivée d’ATM sur notre réseau de transports publics ? Qu’en sera-t-il des salaires des agents ? Qu’en sera-t-il de l’avenir de nos lignes de bus ?

Retrouvez ici mon intervention à ce sujet auprès de Madame Pécresse :

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