Le service public à l’épreuve de la solidarité nationale

Des charges insoutenables pour les services publics : est-ce la fin des politiques publiques dites « facultatives » ?

Alors qu’il est demandé au service public de participer de manière inédite à l’effort de réduction du déficit public, c’est un décret signé en catimini de plusieurs ministres, publié au Journal officiel le 31 janvier 2025, qui fait l’effet d’une bombe pour l’ensemble du secteur public.

Il s’agit du décret n°2025-86 du 30 janvier 2025 relatif au taux de cotisations vieillesse des employeurs des agents affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.

Il prévoit la révision du taux à compter du 1er janvier 2025 et ce à quatre reprises, pour passer d’un taux équivalent à 31,65% au 1er janvier 2025 à 43,65% au 1er janvier 2028, soit 12 points en 3 ans. Ce n’est pas un détail : cela représente en moyenne environ 800 euros par agent titulaire et par an (variable selon les collectivités car les cotisations sont assises sur les rémunérations).

Comme ceci a été évoqué à diverses reprises, la CNRACL a longtemps été en situation d’excédent budgétaire et a contribué fortement au financement des autres régimes de retraite, comme le rappelle la Fédération des Hôpitaux de France dans son communiqué de presse du 3 février 2025 : « La CNRACL, qui a longtemps été en excédent a contribué au financement des autres régimes de retraite à hauteur de 100 milliards d’euros au cours des 50 dernières années […]. Rappelons que le déficit de la CNRACL a pour origine la dégradation du ratio démographique, en raison de l’allongement de l’espérance de vie, de la hausse du nombre de contractuels qui ne cotisent pas à cette caisse, et de l’importance des agents à temps non complet ».

Cette solidarité à sens unique n’honore pas le sens de l’histoire. Le secteur public est donc largement impacté par cette nouvelle mesure.

Par ailleurs, rappelons que dans le cadre de la réforme des retraites, ce taux avait déjà été relevé d’1 point au 1er janvier 2024.  

L’Etat oublie tout de même de dire, lorsqu’il estime que la dégradation du déficit public a pour origine les collectivités locales (ce qui, par ailleurs, est faux), c’est qu’il impose lui-même des dépenses aux collectivités qui impactent lourdement leur budget, comme ce fut le cas avec les évolutions d’indices des grilles des fonctionnaires, sans compensation aucune et promulguées à diverses reprises ces dernières années. La masse salariale du service public augmente donc inexorablement, sans que les élus des services publics n’aient la main sur ces évolutions budgétaires.

Cette hausse nouvelle et inattendue des cotisations, avec un taux aussi élevé et reconduit chaque année, n’est pas soutenable et risque d’engendrer la fermeture de services publics.

C’est ainsi que de nombreuses collectivités font actuellement des choix qui interrogent voire paraissent inhumains, en supprimant des politiques que nous pourrions qualifier globalement de « facultatives ». Le « facultatif », c’est pourtant ce qui fait le socle de la solidarité dans notre pays. Le facultatif, c’est le social, mais aussi la culture, la coopération internationale, l’entraide, l’éducation populaire.

Autant de thématiques qui cimentent notre vivre-ensemble.

Que restera-t-il lorsque seul le « régalien » animera notre société ?  Il nous restera sans doute in fine des droits et des devoirs pour chacun, soit un monde individualiste et individualisé.

Nous sommes tous confrontés à ces pertes budgétaires dans nos services publics. Dans nos collectivités, il y a une réalité : si nous n’avons pas les recettes, nous ne pourrons engager les dépenses. Et inversement. Les coupes budgétaires s’annoncent inévitables.

Face à cette ineptie pour notre société, essayons de construire ensemble des alternatives.

Par exemple, essayons de construire des mutualisations de services à l’échelle de petits territoires, essayons de maintenir ce qui fait solidarité pour notre population, essayons de faire en sorte que « le facultatif » ne soit jamais la variable d’ajustement.

N’oublions jamais que les choix budgétaires sont avant tout des choix politiques.

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