Entre la censure du précédent gouvernement, le nouveau, la reprise des débats sur le projet de loi de finances 2025 à partir de l’ancien texte… il est compliqué de s’y retrouver.
Le budget 2025 du gouvernement Bayrou s’est ajusté autour d’un redressement des comptes publics à hauteur de 50 milliards d’euros (au lieu des 60 milliards prévus par le gouvernement Barnier), et un déficit public ramené à 5,4% du PIB (au lieu des 5% prévus par le gouvernement Barnier, après un « dérapage » de 6,4% en 2024). Cette réduction doit se réaliser via une baisse de 32 milliards de dépenses publiques et une hausse de 21 milliards de recettes.
L’effort demandé aux collectivités passe, quant à lui avec le gouvernement Bayrou, de 5 à 2,2 milliards d’euros. D’aucuns pourraient se réjouir de cet abaissement et penser qu’il est désormais possible pour les collectivités de tourner la page. En témoignent sans doute les 217 sénateurs qui ont voté en faveur de ce nouveau budget, contre les 105 sénateurs qui ont voté contre.
Je fais partie de ces 105 sénateurs qui ont voté contre ce budget.
Je vais parler ici des raisons (au moins deux) qui ont prévalu mon vote contre, notamment celles liées à l’impact de ce budget sur le service public. 2,2 milliards d’euros, c’est encore beaucoup trop.
Un budget inhumain pour le service public
Tout d’abord, parlons des fonctionnaires et du mépris à leur égard. Si l’amendement qui visait à allonger le délai de carence des agents de 1 à 3 jours a été rejeté du texte par les sénateurs, il n’en demeure pas moins que la majorité des sénateurs a acté une baisse du niveau d’indemnisation des arrêts de maladie de courte durée des fonctionnaires ; baisse proposée par le gouvernement dans l’optique de réaliser une économie estimée à 900 millions d’euros.
En cas d’absence pour maladie, le fonctionnaire perdra donc 10% de son salaire. C’est inadmissible. A l’heure où l’attractivité fait défaut dans nos services publics, voilà encore une mesure qui vient alourdir le fardeau. La rémunération des fonctionnaires ne peut et ne doit pas être une marge de manœuvre budgétaire. Partir du principe que les fonctionnaires abusent des congés maladie et doivent en être punis par une baisse immédiate de salaire est révoltant.
Ne serait-il pas plus juste d’interroger les raisons de ces congés maladie ? Ne serait-il pas plus juste de lancer une grande étude sur les conditions de travail de nos agents ?
Rappelons les chiffres : dans son rapport publié en 2024, la direction générale de l’administration et de la fonction publique a présenté ses données et analyses de 2022-2023. Les agents de la fonction publique se sont absentés 12 jours en moyenne en 2023, soit 1,7 jour de plus que les salariés du secteur privé (10,3 jours). Les durées d’absence pour maladie sont en baisse, et ce dans les deux secteurs, par rapport à 2022, mais de façon beaucoup plus notable dans le secteur public (-2,5 jours) que dans le secteur privé (-1,4 jour).
On note aussi des différences entre les trois versants de la fonction publique. La durée moyenne des absences est de 8,4 jours pour les agents de la Fonction Publique d’Etat (hors enseignants qui sont à 9,3 jours en moyenne d’absence), 14 jours pour la Fonction Publique Hospitalière et 14,7 jours dans la Fonction Publique Territoriale.
Pourquoi ? Voici ce qu’en dit le rapport : « La fréquence plus élevée des absences pour raison de santé dans la fonction publique que dans le secteur privé est en partie liée à des effets de structure (davantage de femmes et des agents plus âgés). La présence de métiers à forte pénibilité peut aussi contribuer à expliquer ces écarts. En effet, les conditions de travail (contraintes physiques, horaires de travail atypiques, risques psychosociaux, etc.) influent également sur les absences pour raison de santé ». CQFD.
Par cette mesure injuste, le gouvernement Bayrou décide donc de pénaliser : les femmes, les travailleurs les plus âgés et les métiers à forte pénibilité ; indispensables pour notre service public. S’il ne fallait qu’une seule raison pour ne pas voter le budget tel que présenté, ce serait celle-ci.
Ensuite, parlons de nos collectivités.
Du bricolage, rien que du bricolage
Si le FCTVA a été sauvegardé en l’état, le gel de la TVA versé aux collectivités est conservé. De même, nous avons assisté à une « refonte » de ce fameux fond de réserve, ou fond de précaution qui devait être alimenté par une ponction des recettes des collectivités disposant de recettes de plus de 40 millions d’euros. In fine, personne n’avait bien compris comment ce mécanisme allait fonctionner, notamment face à des collectivités « sans le sou ». Le dispositif est donc remplacé par un dispositif « de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités » qui mettra en réserve « 1 milliard d’euros ». Selon les articles, on note que ce dispositif doit concerner soit « moins de 2 000 communes », soit près de 4 000 communes, au lieu des 250 prévues précédemment. Tout cela ne paraît donc, là encore, pas très clair.
Ce « lissage conjoncturel des recettes fiscal des collectivités », comme nous l’explique Public Sénat dans son article : « Budget : comment les sénateurs réduisent l’effort demandé aux collectivités de 5 à 2 milliards d’euros » accessible en ligne, est, a priori, un lissage des recettes accordé aux collectivités. Et ce afin d’améliorer le solde public. « Si une collectivité devait recevoir 10 000 euros une année, elle recevra plutôt 5 000 euros la première année, puis 5 000 euros la suivante. Soit la même chose au total, mais de manière étalée ». Elus en collectivités, nous pouvons nous étonner de ce nouveau dispositif de perception des recettes. A moins que le budget d’une collectivité ne se construise désormais plus sur 1 an mais sur 2 ans. Ce bricolage est indigne du service public et indigne pour les français.
Un autre budget pour la France est possible
Une question demeure ainsi tout au long des débats : qu’en est-il réellement de la prise en compte des urgences sociales et économiques dans ce budget ? Comment pouvons-nous continuer à « bricoler » ? A l’heure où les hôpitaux suffoquent, ce ne sont pas moins de 250 millions de coupes qui sont pourtant prévues sur le budget de la santé. Pour les écoles, aucune réponse concrète n’est apportée. 1,3 milliard d’euros au bénéfice de la transition écologique se sont envolés. Le capital, lui, continue de prospérer. Ce sont 100 milliards d’euros pour les actionnaires du CAC 40 en 2024 et c’est un record. Près de 200 milliards d’euros sont, eux, versés aux entreprises chaque année sous forme d’aides publiques.
Serait-il possible de s’arrêter un instant sur cette situation ?
Pourrions-nous reparler de la fiscalité ? D’une fiscalité « juste », plébiscitée par tant de français ?
Nous voulons un autre budget pour la France.
La commission mixte paritaire qui décidera du sort du budget 2025 aura lieu le 30 janvier. Avec mon groupe, députés et sénateurs ensemble, nous déposerons avant cette date un projet de loi d’urgence économique et sociale. Il sera composé de 20 mesures pour répondre au quotidien des français. Un autre budget pour la France est possible et nous voulons concrètement vous le montrer.
