La censure : irresponsabilité ou sens de l’histoire ?

1. Prendre ses responsabilités 

D’aucuns ont regretté que la majorité des députés vote la motion de censure qui a fait tomber il y a quelques jours le gouvernement Barnier. Certains y ont vu un acte « irresponsable » consistant à mettre à mal la société française tout entière et à détruire l’économie de notre pays.

Irresponsable. Ce mot, largement usité dans les débats depuis cette censure, n’est pas qu’un mot. C’est un élément de langage qui semble consister à faire porter aux autres sa propre incompétence ou sa propre irresponsabilité.

Le 3 décembre dernier, Michel Barnier, ancien Premier Ministre, a même appelé de ses vœux les élus à « un réflexe de responsabilité ». Et c’est bien ce que la majorité des parlementaires ont fait : ils ont pris leurs responsabilités.

2. Redresser les finances publiques : un autre budget pour la France est possible

Rappelons tout d’abord que le texte initial du Projet de loi de finances 2025 était annoncé comme celui du partage de l’effort pour redresser les finances publiques ; finances publiques en péril suite à la gestion calamiteuse des précédents gouvernements. Face à ce projet de loi et à son ambition de récession sociale plutôt que de progrès social, les députés, en première lecture sur la partie recettes, ont remanié légitimement le texte par l’adoption de 472 amendements à l’issue de trois semaines de débat.

La gauche a ainsi démontré qu’un autre budget pour la France était possible. Un budget pour le partage des richesses. Un budget qui met en évidence que l’austérité pour tous est un choix politique et non une fatalité.

C’est ainsi que la taxe Zucman, consistant à imposer à hauteur de 2% les patrimoines supérieurs à 1 milliard d’euros a été adoptée, l’exit-tax – impôt créé en 2011 pour freiner l’évasion fiscale, a été renforcée ou encore que la soumission à cotisations sociales des dividendes a été inscrite dans le marbre des débats.

C’est dans ces conditions que Monsieur le Premier ministre, inquiet de voir son projet de finance transformé, a annoncé alors l’utilisation probable du 49-3, refusant clairement de prendre à bras le corps ce sujet de la justice fiscale de notre pays et se bornant à refuser l’évidence : l’échec absolu de la politique de l’offre menée depuis 7 ans et ses conséquences désastreuses pour notre pays et pour nos territoires : chômage qui repart à la hausse, licenciements à venir et fermetures d’usines, charge de la dette publique qui s’envole au gré des marchés.

Les parlementaires, dignes représentants de la République et des citoyens, ne pouvaient dès lors être relégués à des rôles de figurants face à un budget écrit d’avance.

3. Refuser les orientations gouvernementales pour sauvegarder notre service public

Ce projet de loi de finances était une vraie ineptie. La dette publique est un sujet d’importance et elle doit être traitée comme telle. Or, en sept ans, nous sommes passés de la politique du « quoiqu’il en coûte » à celle aujourd’hui du « quoiqu’il advienne ».

Force était de constater que le gouvernement avait changé, avec à sa tête, Monsieur Michel Barnier, mais qu’aucun changement de cap n’était à ce moment perceptible. Pire, nous découvrions choqués que le gouvernement avait décidé de s’attaquer, de manière inédite, aux services publics, partant du postulat mensonger que ces services étaient responsables du déficit public abyssal que l’Etat a lui-même creusé.

Envisager de telles coupes budgétaires pour le service public local illustrait dès lors la déconnexion du gouvernement avec la réalité quotidienne des villes et villages de notre pays. Ce PLF 2025 prévoyait en effet l’instauration de mesures d’austérité sans précédent pour nos territoires avec 10 milliards de recettes en moins, et se faisait un malin plaisir à culpabiliser agents et élus de cette situation.

Cette absence de considération ne pouvait plus durer.

 4. Ecouter et aider les territoires et leurs élus : la seule alternative à inscrire au cœur des finances publiques

Depuis plusieurs années les communes subissent des pertes de recettes alors que les dépenses, elles, sont en constante évolution. L’effet ciseau n’est pas qu’une référence à un phénomène économique, c’est une réalité à très court terme pour nos collectivités. A ces contraintes s’ajoutent des phénomènes inattendus, comme les émeutes ou les catastrophes climatiques qui laissent les élus isolés, face à des dépenses massives qu’ils ne peuvent engager. Être maire ou élu local aujourd’hui :

– C’est aussi être présent nuit et jour pour répondre à toutes les urgences de la vie d’une commune ;

– C’est se demander si au 31 décembre de cette année, un assureur aura daigné répondre au marché d’assurance de la collectivité ;

– C’est accompagner les familles et veiller les morts dans l’attente de trouver un médecin pour constater le décès ;

– C’est se trouver face à des collègues élus ou des directeurs généraux qui se demandent si le service public a encore un sens et s’ils seront encore présents pour un prochain mandat, tant les responsabilités sont lourdes ;

– C’est être face à des habitants qui n’ont plus aucun pouvoir d’achat et pour qui la colère est tout ce qu’il leur reste ;

– C’est faire face à l’impossibilité de mettre des moyens nécessaires pour les écoles, les équipements sportifs et culturels, les routes, les pompiers, la police municipale, les travailleurs sociaux…

Les élus éprouvent déjà de plein fouet les effets récessifs accumulés depuis des années et ce gouvernement Barnier voulait encore en rajouter ! Les collectivités et les services publics ne pouvaient pas être sérieusement la variable d’ajustement des libéraux qui profitent de la crise. Comme mes collègues, je souhaite un budget de la France au service de la solidarité nationale et non au profit de quelques-uns. Je refuse de renoncer à la justice sociale et à la justice fiscale.

C’est pourquoi cette motion était pour de nombreux élus, inévitable.

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Je terminerai par un extrait de la fin du discours de Victor Hugo devant l’Assemblée Nationale le 11 novembre 1848 lors de l’examen du budget de l’instruction publique :

« Je voterai contre toutes les réductions que je viens de vous signaler […] Vous êtes tombés dans une méprise regrettable, vous avez cru faire une économie d’argent, c’est une économie de gloire que vous faites ; je la repousse pour la dignité de la France, je la repousse pour l’honneur de la République ».

A chaque époque son honneur.

Le combat politique doit continuer mais la machine doit se remettre en marche. Il va falloir trouver une issue pour les collectivités et pour les habitants. Nous sommes depuis de trop nombreuses semaines dans un chaos général et il est aujourd’hui plus que nécessaire de se relever et d’avancer.

J’ose espérer que le prochain gouvernement aura à cœur de veiller à l’intérêt de la France et à celui de tous les français.

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