Petite enfance : nouvelle compétence pour les communes

Inquiétudes autour des moyens dédiés.

La loi n° 2023-1196 pour le plein emploi modifie par ses articles 17, 18 et 19 la gouvernance en matière d’accueil du jeune enfant : elle fait des communes les autorités organisatrices de cet accueil. Ceci pose une double problématique : celle de la rupture de continuité de service public lorsque cette compétence était gérée par les EPCI, et celle du financement des obligations de développement de ce service public, à l’heure où les budgets des communes sont contraints et saturés.

Sa mise en œuvre, rapide, au 1er janvier 2025, inquiète de nombreux élus locaux. Revenons ici sur le fond du texte et sur les obligations des communes.

Plus concrètement, l’article 17 de la loi n°2023-1196 pour le plein emploi modifie le code de l’action sociale et des familles en ajoutant un article, le L.214-1-3 ainsi rédigé (notons au passage que ces dispositions doivent permettre un accès égal à tous aux modes d’accueil pour favoriser l’accès à l’emploi, ce qui est en soi très honorable) :

« Les communes sont les autorités organisatrices de l’accueil du jeune enfant. A ce titre, elles sont compétentes pour :

1 ° Recenser les besoins des enfants âgés de mois de trois ans et de leurs familles en matière de services aux familles mentionnés à l’article L.214-1 ainsi que les modes d’accueil mentionnés aux 1° et 2° du I de l’article L.214-1-1 disponibles sur leur territoire ;

2° Informer et accompagner les familles ayant un ou plusieurs enfants âgés de moins de trois ans ainsi que les futurs parents ;

3° Planifier, au vu du recensement des besoins, le développement des modes d’accueil mentionnés au même I ;

4° Soutenir la qualité des modes d’accueil mentionnés audit I ».

Il est précisé dans cet article de loi que les compétences mentionnées aux 1° et 2° sont obligatoirement exercées par toutes les communes, quand les compétences 3° et 4° sont exercées par les communes de plus de 3 500 habitants. Par ailleurs, lorsque la commune est composée de plus de 10 000 habitants, elle a également l’obligation d’établir et de mettre en œuvre un schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant. Ces dernières doivent également mettre en place un « relais petite enfance » pour le soutien aux familles et à la qualité des modes d’accueil sur leur territoire. Sont dispensées de ce schéma les communes ayant conclu une convention avec un organisme débiteur de prestations familiales, dont le contenu correspond à celui du schéma.

De nombreuses communes travaillent déjà en ce sens et cette loi vient donc confirmer des pratiques et les mettre en forme. Mais d’autres territoires avaient fait précédemment le choix de centraliser cette compétence à un niveau intercommunal : comment ce transfert de compétences va-t-il se dérouler ? Quelle continuité du service public ? Pourquoi ne pas permettre aux intercommunalités de poursuivre cette mise en œuvre lorsque celle-ci est adaptée et ajustée ?

De plus, le contenu du schéma pluriannuel de maintien et de développement de l’offre d’accueil du jeune enfant vient se heurter à la libre administration des collectivités ! :  en effet, la loi oblige à inscrire dans ce schéma « les modalités de développement quantitatif et qualitatif ou de redéploiement des équipements et services d’accueil du jeune enfant ainsi que le calendrier de réalisation et le coût prévisionnel des opérations projetées ».

Beaucoup d’élus locaux ont écarquillé les yeux à la lecture de ces lignes ! Les élus locaux n’ont, en effet, pas attendu le gouvernement pour s’inquiéter des modes de garde des familles et tenter de les développer.

Là n’est pas la question.

La question est celle de la faisabilité financière de tels projets alors que les budgets des collectivités locales sont de plus en plus contraints et permettent rarement de tels investissements aussi conséquents nécessaires pour rattraper le retard d’un service public d’accueil du jeune enfant en berne depuis de nombreuses années…

Une fois que les élus locaux auront rédigé ces schémas avec les attentes des familles sur leur territoire : qui va payer ces investissements conséquents ? L’Etat va-t-il compenser cette nécessité absolue pour nos territoires ?

La loi est bien silencieuse sur ce sujet. Elle dit uniquement que « L’accroissement des charges résultant de l’exercice obligatoire, par une commune, de l’ensemble des compétences d’autorité organisatrice […] fait l’objet d’une compensation financière », se référant au code général des collectivités territoriales qui stipule que « toute création ou extension de compétence ayant pour conséquence d’augmenter les charges des collectivités territoriales est accompagnée des ressources nécessaires déterminées par la loi » (article L.1614-1-1).

Face aux difficultés budgétaires de l’Etat, face au dernier Projet de loi de finances 2024 qui, rappelons le, a fait l’objet d’importantes coupes budgétaires une fois ce dernier voté, il est difficile de croire que les communes seront financièrement accompagnées, à la juste valeur du contenu de ces schémas. C’est, une nouvelle fois, une nouvelle obligation qui pèse sur les collectivités, sans horizon de compensation financière concrète.  

Une « foire aux questions » a tout de même été publiée vendredi 6 juillet 2024 :

https://www.maire-info.com/petite-enfance/accueil-du-jeune-enfant-nouvelles-autorites-organisatrices-role-communes-detaille-dans-une-faq-article-28794

et propose un certain nombre de réponses. On peut toutefois largement s’interroger : depuis quand une FAQ répond réglementairement aux incohérences et aux manques législatifs ?

Face à cette nouveauté législative et à l’inquiétude quant à son application concrète, j’ai interpellé Madame la Ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles sur ce sujet.

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