Nouveau coup de massue pour les collectivités territoriales 

Lors du Haut Conseil des finances publiques locales, qui a eu lieu le 9 avril 2024, Monsieur le Ministre de l’Economie Bruno Lemaire a annoncé la volonté du gouvernement de mettre à contribution les collectivités territoriales pour réduire le déficit public. Il souhaite restreindre les dépenses de fonctionnement des collectivités. Comment ? En imposant de limiter les dépenses de fonctionnement des collectivités à – 0,5 % par rapport à l’inflation en 2024. Concrètement, en tablant sur une inflation à 2,4% en 2024, l’Etat demande aux collectivités de limiter la hausse de leurs dépenses de fonctionnement à + 1,9% en 2024. Alors que les collectivités sont confrontées à une hausse de leurs dépenses qui dépasse largement le + 1,9% ! Mais quelle est la situation budgétaire des collectivités locales ? Sont-elles vraiment responsables du déficit public ? A quoi nous attendre demain ?

La solitude des élus face à la gestion de la crise sanitaire et budgétaire 

Depuis de nombreuses années, nos collectivités locales sont délaissées, comme l’ensemble de nos services publics, notamment ceux éloignés des pôles de centralité. Dans nos villages et nos quartiers, nous constatons la fermeture des guichets et des services publics de proximité, sous couvert de mutualisations de moyens ou d’économies budgétaires.

Nous observons, démunis, leurs conséquences : des ruptures, le renforcement des inégalités territoriales et des jeunes, des familles et des séniors, abandonnés par la puissance publique.

Face à cette société morose, nous, élus locaux et maires, tentons de redoubler d’initiatives locales enthousiasmantes pour animer avec force nos communes et y semer partage et solidarité.

Nous sommes cependant bien seuls.

Notamment à l’approche de la date fatidique du 15 avril, échéance à laquelle nous avons le devoir de voter un budget communal « sincère » et « équilibré ».

Face à l’absence de compensation de l’évolution de nos dépenses liées à l’inflation et à l’évolution des normes, face à la multiplication souvent « hors sol » des critères d’octroi de subventions, face à la disparition de nos leviers fiscaux, et face encore – la liste est longue – à la non attractivité de nos services, la maquette budgétaire annuelle est un indécent défi.

Dans cette France fragilisée, nous avons observé, entre colère et dépit, et dans la suite des élections municipales bouleversées de 2020, les décisions et actions du gouvernement face à l’épidémie du Covid19.

Souvent seuls, désemparés face aux malades et aux amis élus ayant succombé, et sans compensation aucune du gouvernement dans cette crise, qui estimait déjà que les collectivités locales « dormaient sur sur un matelas d’or », combien de fois ne nous sommes-nous pas tous dit : « Le coûte que coûte à un prix, ce n’est pas possible, qui paiera la facture ensuite ? ».

Eh bien voilà. Nous y sommes. Ce n’est pas une surprise.

Les collectivités locales sont-elles vraiment responsables du déficit public ?

Pour justifier cette trajectoire, on nous annonce « un séisme du déficit ».

Il atteint 5,5 % du PIB et, historiquement, il est en effet certain que ce chiffre relève d’une anomalie de gestion, d’autant plus que la France est en état de déficit public depuis 50 ans. Pour rappel, le déficit public, c’est la situation dans laquelle le solde public (la différence entre dépenses et recettes des administrations publiques, soit de l’Etat, des collectivités locales et de la sécurité sociale) est déficitaire.

Par ailleurs, c’est l’accumulation, d’année en année, qui nourrit la dette publique. Voici un petit aperçu en chiffres publié par l’INSEE du déficit public de la France depuis 1978.  

Source : INSEE, comptes nationaux – base 2020 pour le déficit, comptes nationaux – base 2014 pour le PIB.

Ces vingt dernières années, deux crises majeures ont accentué le déficit : les subprimes (2009 en France) et les confinements liés au Covid-19 (2020), ce qui est particulièrement visible sur ce graphique.

Dans nos collectivités, nous nous souvenons d’ailleurs tous – pour ceux déjà en fonction – de l’impact sensible de la crise de 2008 : difficile accès à l’emprunt, investissements restreints, nouveau panier fiscal, raréfaction des crédits et retrait de l’Etat.

Une période qu’aucun élu ne souhaite vivre à nouveau.

Aujourd’hui, d’aucuns estiment que les collectivités locales ont « dérapé » en 2023 dans l’évolution de leurs dépenses. Voilà une sacrée opportunité pour nous faire contribuer à résorber ce déficit abyssal.

Quelle aubaine !

Mais le gouvernement ne doit pas brouiller les cartes.

Les administrations locales représentent 8,9% des 110,6% de dette publique alors que l’administration de sécurité sociale représente 9,4 % de cette dette et l’administration publique centrale, 92,3% en 2023.

Source : INSEE, comptes nationaux – base 2020 pour le déficit, comptes nationaux – base 2014 pour le PIB.

Les collectivités ne sont donc pas le problème des finances publiques nationales.

Les collectivités locales touchées en plein cœur par le gouvernement

Alors que les collectivités ne sont donc pas le problème des finances publiques locales, le gouvernement a confirmé le 9 avril 2024 au Haut Conseil des finances publiques locales sa volonté que celles-ci contribuent à la diminution du déficit public, comme l’a souligné Madame Dominique Faure, ministre chargée des Collectivités territoriales : « Il y a des sujets, comme les finances locales, sur lesquelles nous sommes souvent en désaccord avec les collectivités, parce qu’elles voient d’un mauvais œil qu’on leur demande de contribuer à cette baisse de la dépense publique. Moi, je pense que tout le monde doit être solidaire ».   

Sans revenir sur les contrats de Cahors, le gouvernement annonce donc son souhait que les collectivités limitent leur hausse de dépenses de fonctionnement, à -0,5% de l’inflation et qu’elles « ralentissent le rythme de leurs investissements » pour reprendre les mots exacts de Madame Dominique Faure.

Il va sans dire que cette attente est déconnectée des réalités auxquelles sont exposées les collectivités.

Tout d’abord, limiter les dépenses de fonctionnement revient à fermer des services publics. Car en effet, la masse salariale évolue inexorablement au regard du Glissement Vieillesse Technicité et les dépenses de fonctionnement suivent le cours de l’inflation.

Madame la Ministre, savez-vous que l’inflation touche aussi les collectivités territoriales ?

De même, ralentir le rythme des investissements, c’est donc se passer de rénovations essentielles des écoles, des voiries, des bâtiments publics, … et c’est aussi dégrader le service.

C’est surtout diminuer les projets qui nécessitent l’intervention d’entreprises locales et c’est donc contribuer à … réduire la croissance.

Une double contradiction pour les collectivités !

Et une absence cruelle de vision pour le service public de demain.

Le Ministère de l’Economie n’a cependant pas dévoilé comment il compte faire respecter cet objectif de limitation des dépenses des collectivités.

Il semble attendre le rapport de la Cour des comptes sur les dépenses des collectivités qui lui sera remis en Juin 2024. Sans surprise, ce rapport servira de rempart à la volonté gouvernementale de faire contribuer les collectivités à la baisse du déficit public. Coûte que Coûte.

Je serai vigilant au Sénat à défendre la cause des collectivités territoriales !

Comme je l’ai déjà dit, « mon expérience de Maire sera ma boussole ».



Retour en haut