Depuis plusieurs semaines, je participe aux auditions organisées dans le cadre de la commission d’enquête sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France.
Nous avons échangé avec de nombreux acteurs : universitaires, organismes intergouvernementaux comme le Giec, ONG, hauts-fonctionnaires, industriels, acteurs du monde de la Finance et même ministres, dont certains encore en exercice.
Ces discussions, très riches, offrent un point de vue global sur les activités de TotalEnergies, en France et dans le monde. Tenu à un strict devoir de réserve, je ne peux dévoiler plus que les informations publiques disponibles dans les comptes-rendus d’auditions.
La crise climatique dans laquelle nous sommes entrés de plain-pied nous oblige. Nous devons tout faire pour limiter et contenir la hausse des températures à 2°C, dans le respect des Accords de Paris pris en 2015.
Pourtant, malgré sa communication autour des énergies renouvelables, TotalEnergies développe en grande partie sa filière d’exploration et d’exploitation des énergies fossiles (pétrole et gaz). D’ici 2030, plus de 2/3 des investissements annuels de l’entreprise iront toujours aux énergies fossiles. En 2025, TotalEnergies sera la 2ème major pétrolière en termes d’expansion et en CO2 émis, derrière Exxon Mobil. Les nouveaux projets de TotalEnergies d’ici 2025 représenteront l’équivalent en termes d’émissions de 18 centrales à charbon. Les capitaux de l’entreprise sont en grande majorité fléchés vers ces projets.
Aujourd’hui, l’État paraît bien impuissant face à ces grandes entreprises. Interrogée par le journal Le Monde, Madame Agnès Pannier-Runacher, ancienne ministre de la Transition écologique, s’est ainsi limitée à une simple mise en garde, quand elle expliquait que :
« C’est un fait et je le regrette : les entreprises pétrolières et gazières veulent poursuivre leurs activités d’exploration et de production (…) Je le dis sans détour : une entreprise pétro-gazière qui ne sait pas inventer son modèle décarboné est sans avenir ».
L’entêtement des entreprises pétrolières et gazières pose un risque climatique, mais aussi financier pour nos sociétés. Elles accumulent des actifs qui risquent de se transformer en actifs échoués, qui auront perdu toute leur valeur une fois le recours aux énergies fossiles bien plus encadré. Les montants en jeu sont considérables. Pourtant, les entreprises du secteur financier participent, directement ou indirectement, au financement de projets d’exploitation et d’extraction d’énergie fossile pour les prochaines années. Pourquoi tardent-elles à prendre en compte ces enjeux ? Misent-elles sur une intervention de l’État, comme lors de la crise financière de 2008 ? Comment ces entreprises pourront-elles poursuivre leurs activités demain, dans un monde aussi incertain ?
Heureusement, des solutions émergent, pour mieux contrôler l’activité et l’impact des entreprises comme TotalEnergies, via l’application de la loi sur le devoir de vigilance, le développement d’une justice climatique ou encore via le développement de filières industrielles vertes.
Les États ont eux aussi un rôle central à jouer pour ne pas laisser les seuls intérêts privés à la manœuvre. La France dispose d’importants leviers d’action publique, en particulier pour les entreprises dont elle est actionnaire ou qui bénéficient d’aides publiques, par exemple en imposant des conditionnalités écologiques et sociales à ces aides Notons en effet que la France dépense chaque année près de 200 milliards d’euros dans des aides sans conditions ni contreparties pour les entreprises, soit près d’un tiers du budget de l’État. TotalEnergies, par exemple, a été soutenu par de nombreuses aides pendant la pandémie de Covid-19, comme l’a souligné l’économiste Maxime Combes : financement via le plan automobile de l’usine de batteries de Douvrin, via le plan hydrogène de plusieurs projets, soutien de la Banque centrale européenne, baisse des impôts de production…
Face au déficit public abyssal de la France, la conditionnalité de ces aides pour les entreprises ne peut pas être une option. Concernant TotalEnergies, une certitude demeure: c’est une entreprise dont l’expertise est connue et reconnue dans le monde entier. Œuvrons pour en faire un champion de la transition énergétique !